Réponse : Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est utile pour éviter les fuites de carbone sans avoir besoin de quotas gratuits. Lors de la mise en place du SEQE-UE 1, des quotas gratuits sont accordés aux entreprises européennes pour prévenir une concurrence injuste à l’international et éviter les fuites de carbone [1]. Ces quotas gratuits protègent les entreprises européennes mais ralentissent la réduction des émissions [2]. Au cours de la période 2026-2034, l’UE mettra progressivement en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et réduira les quotas gratuits [3].
Lorsqu’il existe une différence de prix du carbone entre deux pays échangeant des produits, il existe un risque de fuite de carbone [4]. Les entreprises du pays où le prix du carbone est le plus élevé préféreront acheter des ressources produites dans l’autre pays, voire y délocaliser leur production. Cela pourrait entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et une perte économique pour le pays au prix du carbone le plus ambitieux.
Pour éviter cela, l’UE accorde des quotas d’émission gratuits à ses secteurs industriels exposés aux fuites de carbone [1]. Les secteurs industriels exposés aux fuites de carbone sont ceux qui sont intensifs en énergie et exposés au commerce, c’est-à-dire que le prix de l’énergie a un impact important sur leurs activités et qu’ils sont en concurrence à l’échelle internationale. Sur les 245 types de secteurs concernés par le SEQE-UE 1, 63 sont considérés vulnérables et reçoivent des allocations gratuites [5]. Au total, ces secteurs représentent plus de 90 % des émissions industrielles couvertes par le SEQE-UE 1. Ainsi, la quasi-totalité des émissions industrielles ont été couvertes par des quotas gratuits lors de la phase 3 (2013-2020) [6].
L’allocation de quotas gratuits est utile pour protéger les industries européennes de la concurrence injuste, mais elle ralentit la réduction de leurs émissions [2]. Depuis 2013, les centrales électriques ne reçoivent plus de quotas gratuits et ont réduit leurs émissions de près de 40 % tandis que les sites industriels ont réduit les leurs de seulement 15 % [7]. Un meilleur ciblage est nécessaire pour déterminer quels secteurs sont vulnérables aux fuites du carbone [2]. De plus, au lieu d’une évaluation binaire, les secteurs industriels pourraient être classés comme fortement, moyennement ou faiblement vulnérables, comme pour le SEQE au Québec ou en Californie.
Pour prévenir les fuites de carbone et mettre fin aux quotas gratuits, l’UE met en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF, souvent appelée « taxe carbone » de l’UE) [3]. Les entreprises européennes qui importent des biens devront payer la différence de prix du carbone avec le pays exportateur. Le MACF s’applique d’abord aux marchandises dont la production est intensive en carbone : ciment, fer et acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène. La suppression progressive des quotas gratuits du SEQE-UE 1 se déroule parallèlement à l’introduction progressive de MACF au cours de la période 2026-2034.
Le MACF est également une incitation pour les autres pays à mettre leur propre prix sur le carbone. Par exemple, la Chine va probablement réagir au MACF en étendant son propre prix national du carbone [8]. Plus les pays adoptent un prix du carbone à l’échelle mondiale, moins il y aura besoin de MACF entre les pays et plus nous aurons de chances de rester en dessous de 2°C [9]. Dans ce contexte, le Canada a lancé son « Défi mondial sur la tarification du carbone », appelant tous les pays à adopter la tarification du carbone au cœur de leurs stratégies climatiques, dans le but collectif de couvrir 60 % des émissions mondiales d’ici 2030 [10].
En bref : Lors de la mise en place du SEQE-UE 1, des quotas gratuits sont accordés aux entreprises européennes pour les protéger d’une concurrence injuste et éviter les fuites de carbone. Ces quotas gratuits protègent les entreprises européennes mais ralentissent la réduction de leurs émissions. Au cours de la période 2026-2034, l’UE mettra progressivement en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et réduira les quotas gratuits. Le MACF s’appliquera dans un premier temps à des produits spécifiques : ciment, fer et acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène. Le MACF est également une incitation pour les autres pays à mettre leur propre prix sur le carbone. Plus les pays adoptent un prix du carbone, moins il y a besoin de MACF entre les pays et plus nous avons de chances de rester en dessous de 2°C.
- Commission européenne. 2023. Carbon leakage. Lien
- European Court of Auditors. 2020. The EU’s Emissions Trading System: free allocation of allowances needed better targeting. Lien
- Commission européenne. 2023. Carbon border adjustment mechanism. Lien
- London School of Economics. 2021. What is carbon leakage? Clarifying misconceptions for a better mitigation effort. Lien
- Voir FAQ du [1], section « Third carbon leakage list (EU ETS Phase 4) ».
- Voir Figure #5 du [2]. Lien
- MARCU, Andrei et al. 2023. 2023 State of the EU ETS Report. Figure 4.2 : « Dynamics of emissions in industry and combustion sectors ». European Roundtable on Climate Change and Sustainable Transition (ERCST). Lien
- S&P Global Commodity Insight. 2023. China’s compliance emission trading system to accelerate coverage of CBAM-eligible sectors. Lien
- FMI. 2022. Pourquoi les pays doivent coopérer sur les prix du carbone. LienGouvernement du Canada. 2022. Défi mondial sur la tarification du carbone. Lien
Dernière mise à jour : 2023-08-24
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