L’objectif de ce “Policy Brief” est de répondre à des questions des fonctionnaires de la Commission Européenne, qui, suite à des entretiens avec Citizens’ Climate Europe (CCE), ont demandé au groupe de démontrer plus précisément comment la politique de CCL pourrait s’intégrer dans le cadre existant des règlements européens.
Carbon Fee and Dividend in the European Union
Le Lobby Climatique Citoyen (CCL pour son nom anglais) est une organisation mondiale et non partisane qui défend spécifiquement une contribution carbone dont les revenus sont distribués comme dividende aux citoyen.ne.s. Le groupe est presque entièrement composé de lobbyistes citoyen.ne.s bénévoles. Il est opérationnel depuis 2007 et est maintenant actif dans 60 pays dans le monde. En Europe, le CCL s’adresse aux institutions de l’UE, tels que le Parlement européen et la Commission, par l’intermédiaire de CCE, ainsi qu’aux gouvernements nationaux par l’intermédiaire des sections locales de CCL (comme CCL France) dans 13 pays européens. Le CCL a le statut de société civile au sein du G7, du G20, de la CCNUCC et de la Banque mondiale. Il est également un partenaire stratégique fondateur de la Carbon Pricing Leadership Coalition, qui réunit des dirigeants du secteur public, du secteur privé et de la société civile pour étudier et promouvoir la tarification du carbone.
Chacun des groupes de CCL dans le monde doit adapter la solution de CCL aux circonstances uniques de leurs juridictions. Bien que les détails de ces propositions puissent varier, elles sont toujours basées sur quatre principes clés :
1) Un prix du carbone prévisible et en constante augmentation. Le développement et le déploiement d’un grand nombre de technologies et de processus nécessaires à la décarbonisation en profondeur nécessitent des investissements importants à long terme. Étant donné l’urgence de la crise climatique et le temps qu’il faudra pour que nombre de ces solutions deviennent viables et soient adoptées à grande échelle, ces investissements sont nécessaires dès maintenant. Toutefois, en l’absence d’un prix prévisible et en constante augmentation des émissions, les acteurs auront du mal à prévoir si et quand ces investissements seront rentables. Le système communautaire de plafonnement et d’échange de quotas d’émission (SCEQE) introduit un prix du carbone, mais la trajectoire à long terme de ce prix est difficile à prévoir et est sujette à des baisses occasionnelles. Cela s’explique en partie par le fait que les futurs prix des quotas du SCEQE ne dépendent pas seulement du plafond des quotas, mais aussi de la demande future de quotas de tous les participants au SCEQE, qui dépend à son tour d’un certain nombre de facteurs impossibles à prévoir avec précision. En outre, le moment où le plafond devrait devenir matériellement contraignant pour de nombreuses entreprises peut se situer en dehors de leurs cycles de planification normaux. De plus, le SCEQE ne s’applique qu’à environ la moitié des émissions de l’UE, l’autre moitié étant soit non tarifée, soit couverte par des systèmes hétérogènes de tarification au niveau national. Ainsi, pour garantir qu’un signal d’investissement clair et cohérent soit envoyé à tous les acteurs, le CCL recommande un prix minimum du carbone pour l’ensemble de l’économie qui augmente régulièrement à un rythme préétabli.
2) Redistribuer les recettes aux citoyen.ne.s de manière équitable et transparente. Que la décarbonisation soit réalisée par le biais d’un prix du carbone ou d’autres réglementations, les coûts auxquels sont confrontés les producteurs augmenteront à mesure que la décarbonisation s’approfondira. En fin de compte, une grande partie de cette hausse sera répercutée sur les consommateurs sous la forme de prix plus élevés. Des mesures visant à les protéger sont donc nécessaires pour garantir que les politiques climatiques conservent un soutien politique. Le meilleur moyen d’y parvenir est de restituer aux citoyen.ne.s toutes les recettes nettes provenant de la contribution carbone sous la forme d’un dividende mensuel. Dans l’hypothèse d’un dividende forfaitaire versé de manière égale à tous les citoyen.ne.s d’un pays, la contribution carbone et le dividende seraient progressifs, la majorité des ménages en tirant un bénéfice net. Comme on l’a vu au Canada, où une politique similaire a été adoptée, la réception régulière de dividendes sur le carbone non seulement préserve le pouvoir d’achat des consommateurs, mais augmente également l’intérêt des électeurs pour la préservation de la politique. Cela dit, un dividende carbone ne résoudra pas entièrement tous les problèmes causés par les politiques climatiques, en particulier ceux qui découlent de problèmes structurels plus profonds. Toutefois, cela est vrai pour toute politique climatique considérée isolément. En réalité, une politique de contribution et de dividende sur le carbone peut et doit être complétée par d’autres politiques, qui ne doivent pas nécessairement être liées aux revenus de la contribution carbone.
3) Un ajustement carbone aux frontières (ACF). À mesure que le prix intérieur des émissions augmentera, le risque que les entreprises cherchent à importer de l’étranger une plus grande partie de leurs biens et matériaux à forte intensité de carbone augmentera, provoquant ce que l’on appelle une fuite de carbone. Toutefois, pour réussir à atténuer le changement climatique, l’UE ne peut ignorer son impact mondial et doit donc mettre en œuvre des politiques qui encouragent les entreprises à réduire les émissions de leur production nationale et de leurs importations. Elle doit également trouver des moyens d’encourager des efforts d’atténuation équivalents à l’étranger, et un ACF est l’un des outils pour y parvenir.
4) Simplicité. En ce qui concerne la tarification du carbone, la simplicité signifie un prix du carbone unique, applicable à l’ensemble de l’économie et facturé le plus en amont possible. Une politique plus simple crée moins de charges administratives et rend les obligations plus claires pour ceux à qui elles appliquent. Une telle politique est également plus transparente et plus crédible, ce qui est essentiel. Finalement, la simplicité permet aux autres pays de suivre plus facilement l’exemple de l’UE, en particulier ceux qui n’ont pas les ressources et les institutions nécessaires pour mettre en œuvre une approche plus complexe.
L’UE a déjà mis en place de nombreuses politiques climatiques depuis longtemps grâce à son leadership en matière d’action climatique. Toutefois, cela rend difficile l’adoption d’une politique unique et globale d’une contribution et d’un dividende carbone. C’est pourquoi le Policy Brief propose des moyens d’intégrer les principes fondamentaux de CCL dans les cadres existants de l’UE, en mettant particulièrement l’accent sur la directive sur la taxation de l’énergie (DTE), le SCEQE, le règlement sur le partage de l’effort (RPE) et la proposition de la Commission européenne pour un ACF. Cette liste de recommandations n’est pas exclusive. Elle vise simplement à illustrer qu’il est possible d’intégrer les principaux aspects d’une contribution et d’un dividende carbone dans les politiques existantes de l’UE.
Les 3 options présentées sont les suivantes : (i) transformer l’ETD en un prix du carbone applicable à l’ensemble de l’économie ; (ii) introduire un prix plancher dans le SCEQE et l’étendre progressivement à tous les grands secteurs ; et (iii) introduire un prix plancher dans le SCEQE et permettre une conversion bidirectionnelle (c’est-à-dire une fongibilité) entre les quotas du SCEQE et les allocations annuelles d’émissions des États membres dans le cadre du RPE. Dans chaque cas, un ACF serait adoptée, et son niveau de redevance serait lié au prix minimum du carbone de l’UE établi via la DTE ou le plancher du SCEQE.
Le « Green Deal » vise à placer le changement climatique au cœur de toutes les grandes politiques de l’UE, et la Commission a élaboré un plan ambitieux pour y parvenir dans les plus brefs délais. Toutefois, une fois les négociations sur le « Green Deal » terminées, il est probable que l’appétit politique pour d’autres réformes à grande échelle soit faible pendant des années, voire des décennies. Par conséquent, les décisions prises aujourd’hui pourraient largement décider si l’UE parvient ou non à atteindre ses objectifs climatiques. Et, en tant que leader mondial de l’action climatique, les décisions de l’UE auront également des répercussions mondiales, fixant effectivement un plafond à l’ambition climatique dans de nombreux pays. Il est donc essentiel que les réformes du « Green Deal » soient aussi ambitieuses et efficaces que possible, même lorsque cela est politiquement difficile.
À cet égard, il convient d’envisager sérieusement la mise en place d’une contribution et d’un dividende sur le carbone. Ils peuvent fournir un signal fort de prix et à long terme stimuler l’investissement dans la décarbonisation, tout en protégeant les consommateurs et en renforçant le soutien politique en faveur de cette politique. En combinaison avec un ajustement carbone aux frontières, elle permettrait de réduire les émissions de l’UE liées à la production et à la consommation. Bien qu’elle ne doive pas – et ne devrait d’ailleurs pas – être la seule politique climatique adoptée, les modèles économiques indiquent qu’elle serait particulièrement efficace. Et, comme l’illustre le Policy Brief, il est tout à fait possible de l’intégrer dans les cadres existants de l’UE.
Auteurs
Le “Policy Brief” a été rédigé en Juillet 2020 par une équipe de membres de CCL France et d’autres groupes européens de CCL. L’effort a été coordonné par Citizens’ Climate Europe (CCE), l’entité représentant CCL au niveau européen.